Drogues et assuétudes
La Région bruxelloise dévoile le futur centre d’accueil intégré pour usagers de drogues
12.10.2021La Région de Bruxelles-Capitale a dévoilé ce mardi 12 octobre, en compagnie des bourgmestres de la Ville de Bruxelles et de la commune de Molenbeek Saint-Jean, Philippe Close et Catherine Moureaux, le projet de futur Centre Intégré pour usagers de drogues en grande précarité.
Construit aux abords du canal, en face de Tour et Taxis à l’horizon 2026, il sera financé à hauteur de 12,3 millions d’euros dans le cadre d’une subvention régionale pour le Centre intégré et pour les aménagements réservés au Port de Bruxelles. Bruxelles Prévention et Sécurité (BPS) supervise la conception et la définition des missions opérationnelles du centre en s’appuyant sur l’expertise de l’opérateur régional en matière d’assuétudes, à savoir l’asbl Transit. Le groupement d’agences d’architecture Bogdan Van Broeck – BC Architects & Studies, associée à une équipe pluridisciplinaire (voir ci-dessous), a remporté le marché public pour la conception du bâtiment organisé par la Société d’Aménagement Urbain (SAU), en charge de sa construction.
Ce nouveau bâtiment sera érigé au 55 Avenue du Port, à côté du siège du Port de Bruxelles, lequel bénéficiera également de locaux dans le futur bâtiment. Ce projet de construction neuve porte sur environ 5.000 m² bruts, dont un peu plus de 4.000 m² pour le Centre Intégré et près de 1.000 m² pour le Port.
Un dispositif innovant de cohésion sociale, au bénéfice des publics fragilisés comme du quartier
La Région prévoit l’ouverture du Centre Intégré pour usagers de drogues en grande précarité en 2026. Cette étape est la première d’un long parcours jusqu’à l’inauguration du bâtiment. Son intégration à la vie du quartier constitue un point particulier d’attention de la part des autorités.
L’aboutissement du projet sera donc précédé d’un processus d’information étendu auprès des riverains et des acteurs clefs du quartier (acteurs locaux, associations, ...) qui offre la possibilité d’échanger sur le long terme, de façon régulière. Dans ce cadre, les partenaires du projet, les acteurs du champ sanitaire et du champ de la prévention et de la sécurité (gardiens de la paix, police, justice, gardiens de parc, médecins, psychologues, travailleurs de rue, etc.) travaillent en convergence pour organiser et soutenir ce processus.
Le Ministre-Président Rudi Vervoort, notamment en charge de la Sécurité, souligne que « ce Centre intégré pour usagers de drogues en grande précarité est un projet régional global qui répond aux défis contemporains liés aux évolutions de la société : santé, précarité et amélioration des espaces et de la tranquillité publique. Le projet, sur lequel travaille en coordination l’ensemble des acteurs de la chaîne de la prévention et de la sécurité (police, gardiens de la paix, police, justice, gardiens de parc, travailleurs de rue, …), se positionne comme un dispositif innovant de cohésion sociale dans le quartier. Il est source d’espoir pour un mieuxêtre des populations fragilisées et de perspectives pour le quartier puisqu’il participe à la concrétisation des ambitions et des objectifs de la Région de Bruxelles-Capitale, autant du point de vue architectural que de la cohésion sociale. »
Rudi Vervoort rappelle que « ce projet se trouve explicitement dans l’Accord de Majorité 2019-2024: Enfin, le Gouvernement s’engage à mettre en place une véritable politique de réduction des risques vis-à-vis des consommateurs potentiels ou usagers de drogues (y compris l’alcool). A cette fin, le Gouvernement soutiendra la création de salles de consommation à moindre risque (SCMR) – via un nouveau centre intégré dont l'opérateur sera l'asbl Transit ».
Alain MARON, Ministre en charge de la Santé et de l’Action sociale, rappelle qu’« en juillet, une ordonnance relative à l'agrément et au subventionnement des services actifs en matière de réduction des risques liés aux usages de drogues a été adoptée. Ce texte est une étape importante pour accompagner les personnes atteintes d’assuétudes et les aider à guérir. Ainsi, en offrant une prise en charge psycho-médico-sociale à ses usagers, le centre leur permettra de retrouver une vie digne et de se réinsérer dans notre société ».
Concrétisation du Plan global de Sécurité et de Prévention
Yves Bastaerts, Directeur général adjoint de Bruxelles Prévention et Sécurité (BPS), explique que « ce projet s’inscrit pleinement dans le cadre des politiques de sécurité et de prévention définies au sein du Plan Global de Sécurité et de Prévention. Bruxelles Prévention et Sécurité consacre cet enjeu important pour la Région de Bruxelles-Capitale dans un volet spécifique du plan. L’usage des drogues et, de manière générale, le développement d’assuétudes constituent l’une des problématiques de santé publique au cœur de la sécurité urbaine, celle-ci pouvant être liée à des incivilités ou impacter la perception du cadre de vie des citoyens. En misant sur une prise en charge adaptée et cohérente des personnes concernées, le Centre intégré pour usagers de drogues en grande précarité est l’opportunité de créer du lien au sein de la Région de Bruxelles-Capitale en offrant aux résidents du quartier, mais plus globalement à tous les Bruxellois, un cadre de vie convivial et un espace public sécurisant. En tant que centre d’expertise et de référence en matière de prévention et de sécurité, Bruxelles Prévention et Sécurité ambitionne également, par le biais de ce projet, d’affiner la connaissance en matière d’assuétudes à Bruxelles. La mise en commun des pratiques dans le centre intégré pour usagers de drogues en grande précarité doit permettre une production de données et l’élaboration d’analyses permettant de construire une politique cohérente en matière de drogues et d’assuétudes adaptée aux besoins des plus vulnérables. »
Garantir la santé et la sécurité pour tous
Pour le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close, « Aux cotés de Gate, la salle de consommation à moindre risque, accessible dès la fin de l'année dans le centre de Bruxelles, le Centré intégré s'inscrit dans la complémentarité du trajet de soins avec pour but de proposer une politique innovante, digne et d'inclusion par rapport à la problématique de la dépendance. Notre mission visant à offrir un accès universel à la santé aux personnes les plus fragilisées s’accorde néanmoins avec notre souci de garantir la sécurité de tous les citoyens. En effet, la consommation de drogues dans l’espace public génère des troubles et exacerbe le sentiment d’insécurité vécu par les habitants. Nous devons agir, par souci de cohésion sociale, pour le bien de tous. En créant le Centre intégré avec les autorités régionales, je suis convaincu que nous œuvrons en ce sens. Les investissements consentis dans ces nouveaux dispositifs vont contribuer à améliorer le cadre de vie de tous les bruxellois sans laisser personnes au bord de la route ».
Pour la Bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean, Catherine Moureaux, « Les nombreuses problématiques liées à l’usage des stupéfiants sur l’ensemble du territoire régional bruxellois sont en constante évolution. Ces derniers mois, par exemple, suite notamment à la crise Covid, les professionnels tout comme les habitants ont noté de nouvelles mutations dans ce domaine. Comme acteur communal, je suis très attentive aux conséquences qu’elles induisent tant sur les victimes d’assuétudes que sur les habitants de nos quartiers. C’est la raison pour laquelle Molenbeek-Saint-Jean se réjouit de la prochaine mise en œuvre du projet de Centre intégré.
En effet, au niveau individuel, je suis persuadée que ce nouveau dispositif, ambitieux dans ses missions et innovant dans ses méthodes, notamment en termes de santé publique et d’insertion, permettra de mieux accompagner de manière globale et adaptée les personnes malheureusement touchées par les assuétudes. Au niveau collectif, il ne fait aucun doute pour moi que ce Centre intégré et les recours positifs qu’il permettra pour les personnes en extrême fragilité en raison de leur dépendance auront un effet extrêmement positif sur la cohésion sociale et la convivialité au sein des quartiers touchés par les diverses problématiques liées à la consommation de stupéfiants.
Pour soutenir au maximum ce nouveau dispositif régional, au sein de ma commune, j’ai d’ores et déjà mis en place une nouvelle plateforme centrée sur les problématiques liées aux stupéfiants. Appelée à s’agrandir, elle regroupe actuellement divers acteurs préventifs et de la cohésion sociale, tant communaux qu’associatifs. Elle vise à renforcer le travail transversal local dans ce domaine. Cette nouvelle plateforme locale se réunira régulièrement et restera en contact permanent avec les responsables du futur Centre intégré. »
Un dispositif innovant d’accueil et de soins intégrés en matière d’assuétudes
Muriel Goessens, Directrice générale de l’asbl Transit, explique la raison sociale du futur dispositif : « Depuis 1995, l’asbl Transit assure un accueil inconditionnel unique en Région de Bruxelles-Capitale au travers d’un centre spécialisé, de crise et d’hébergement, accessible 7J/7 - 24h/24, destiné aux personnes dépendantes aux drogues licites et/ou illicites. L’asbl, désignée « opérateur » du Centre intégré, constate une croissance importante du nombre de bénéficiaires de ses services, une diversification des publics, de leurs besoins avec en filigrane des contraintes liées à un manque d’espace nécessaire pour répondre à l’ensemble des demandes. Dans un tel contexte, l’initiative régionale de Centre intégré (CI) constitue une formidable opportunité pour compléter l’offre de soins existante, pour renforcer la capacité d’accueil, de logement, pour innover et pour répondre aux défis contemporains de l’usage de drogues mais aussi de la précarité.
En proposant des services adaptés à chaque besoin, à chaque situation, le nouveau dispositif visera à offrir un accès universel à la santé selon une logique graduelle, en partant du plus bas seuil. L’ensemble des services qui seront déployés au sein du Centre intégré suivra cette ambition pour correspondre aux besoins très hétérogènes des publics en situation de vulnérabilité et qui malheureusement aujourd’hui encore peuvent faire l’objet de discrimination quant à l’accès aux services de santé conventionnés, notamment parce qu’une part de ce public ne jouit pas d’une couverture sociale.
On dit du futur centre qu’il est intégré parce qu’il conçoit la santé dans sa globalité, en agissant sur l’ensemble de ses déterminants, pas seulement sur les symptômes de la maladie ou du mal être, mais également sur les facteurs qui les conditionnent. Ils peuvent être d’ordre socio-économique, culturels, environnementaux, contextuels, ... En ce sens, il offrira une palette de soins pluridisciplinaires partagée entre trois partenaires spécialisés, le Projet Lama pour ce qui concerne l’induction et le suivi des traitements de substitution, Médecins du Monde pour ce qui concerne la médecine générale et Transit pour l’accompagnement psycho-social, la pair-aidance, le travail de rue, la réinsertion professionnelle, l’hébergement, l’approche genrée, les activités communautaires, ... Outre œuvrer pour un accès universel à la santé, le Centre intégré devra aussi produire de la connaissance. Il se positionnera comme Centre de référence, comme une sorte de laboratoire de l’expertise, du savoir-faire et de l’innovation en matière d’assuétudes en parfaite symbiose avec les missions de Bruxelles Prévention Sécurité. »
Un site à usage mixte et une cohérence architecturale
Yassine Akki, Président du Port de Bruxelles, « salue la bonne collaboration entre l'ensemble des partenaires pour ce projet qui sera développé sur un terrain du Port de Bruxelles grâce à la conclusion d'un bail emphytéotique. Un projet qui accueillera non seulement les activités de l'asbl Transit, mais satisfera aussi aux besoins du Port, notamment en matière d'atelier et de besoins de notre service technique."
Un projet résolument ancré dans son contexte
Gilles DELFORGE, le directeur de la SAU, précise que « La SAU avait reçu 30 candidatures de qualité lors de la première phase de lancement du marché public européen, puis elle avait shortlisté 5 équipes pour remettre un projet. Le jury a estimé que le projet de Bogdan Van Broeck – BC Architects répondait le mieux aux différentes attentes du marché et ce choix a été validé par les différentes parties. L’architecture du projet se veut conviviale : le traitement des façades est chaleureux, des liens forts sont créés entre le rez-de-chaussée et l’espace extérieur.
Le bâtiment véhicule une image positive des équipements publics créés et représente une plus-value au paysage urbain de la zone du canal. » Gilles DELFORGE se réjouit que « la SAU, qui pilote par ailleurs la mise en œuvre de grands projets d’aménagement urbain, puisse mettre une nouvelle fois au service de la Région sa polyvalence pour la réalisation d’équipements publics d’envergure régionale, de natures très différentes les uns des autres. En plus de ce futur centre intégré pour usagers de drogues, la SAU concrétise aussi actuellement des projets d’équipements qui incluent des fonctions culturelles, médiatiques, de secours, sportives, académiques… Comme chaque fois, la SAU remplit ce rôle en coordonnant l’action des divers partenaires concernés, en étroite concertation avec eux ».
Une auberge sur les berges du canal
L’équipe d’architectes qui a conçu le futur Centre intégré explique qu’« Il était évident de concevoir une architecture chaude et accueillante, une architecture qui ne parle pas de soi mais qui donne du sens… Avec ce refuge pour l’un des groupes les plus faibles de la société, cette société montre sa qualité morale.”
Le Centre intégré est une auberge du 21e siècle: un lieu urbain comprenant des résidences temporaires, des espaces dédiés au bien-être des humains et à la rencontre de la communauté.
Loin de l’institution au caractère anonyme, le projet est une juxtaposition de plusieurs « maisons ». Ces maisons sont autonomes mais en même temps bien connectées. Cette configuration affirme le caractère domestique du projet. Plutôt qu’une organisation sur de larges plateaux, le projet se base sur une émergence de volumes sur un socle commun. Ce socle, avec ces espaces accueillants, fonctionne comme un soubassement qui reçoit et qui guide les usagers. Il comprend un porche d’entrée, un jardin central et une loggia avec vue sur le canal. L’ensemble fait l'analogie avec l'auberge traditionnelle composée de divers bâtiments à plusieurs étages entourant une grande cour, reliés à la rue par un passage.
Construire pour le futur
Le projet met fin aux apports épuisants et aux évacuations polluantes de matériaux, d'énergie et d'eau, et transforme tout en un modèle circulaire local. Idem pour des matériaux de construction comme le bois, qui contiennent du CO2 non fossile et sont ainsi de véritables réservoirs de CO2: traditionnels et innovants, logiques et peu coûteux.
À côté des vecteurs classiques de la durabilité (émissions, biodiversité, flexibilité et longue vie d’un bâtiment) le projet focalise aussi sur la durabilité sociétale et socio-culturelle, alignée sur le concept européen de ‘Baukultur’. Un bâtiment que nous aimons tous — parce qu’il nous aime tous — dure plus longtemps car il est porté et apprécié par tous. Un point d’ancrage dans un monde dur devient un élément de la mémoire collective. Le Centre intégré offre un foyer confortable aux personnes fragiles, réalisé de manière durable, circulaire et à faible impact environnemental.
Vivre ensemble
Ce projet montre qu’une fonction urbaine complexe — un centre de soins de première ligne dont la ville a grand besoin autour du canal — peut coexister avec la poursuite de l'activité́ portuaire. Il répond à des préoccupations majeures de notre temps : la solidarité́ et l'économie.
Le Centre intégré est conçu comme un bâtiment qui nous relie, qui nous met en contact avec la ville et la nature, avec le parc et avec la multitude de cultures qui caractérisent Bruxelles. Il offre un espace polyvalent et ouvert au rez-de-chaussée avec un bon contrôle social actif 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Parallèlement, il est aussi un endroit où l’on peut être par soi-même sans se sentir seul.
Le Centre intégré répond à la demande de la Région de Bruxelles-Capitale et de ses citoyens de prendre soin non seulement des plus vulnérables mais de nous tous. En offrant un nouveau port à ceux qui chavirent, on confère finalement un chez soi à tous mais en lien avec l’autre, un endroit où nous trouvons notre raison d’être.
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