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Les violences LGBTQIA+phobes: omniprésentes mais peu signalées à Bruxelles

17.05.2022

En marge de la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, Safe.brussels publie les résultats d’une analyse sur les violences LGBTQIA+phobes en Région bruxelloise. L’Observatoire de BPS a mobilisé des données inédites issues d’un partenariat entre Safe.brussels, equal.brussels et l’association RainbowHouse Brussels. Ces données montrent que les violences et discriminations vécues par des personnes en raison de leur orientation sexuelle et/ou identité et expression de genre sont une réalité bien présente dans la Région mais peu rapportée à la police. 

En 2020, en Région bruxelloise, la police n’a enregistré que 34 PV relatifs à des faits liés à une discrimination homophobe. Seules 13 affaires ont été encodées comme « homophobes » au Parquet correctionnel de Bruxelles cette même année et sur les 12 affaires de ce type pour lesquelles le Parquet a rendu une décision, 10 ont été classées sans suite. Les associations spécialisées du secteur ainsi que diverses enquêtes menées à différents niveaux témoignent pourtant d’une toute autre réalité. Selon l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux, en Belgique en 2019, 67% des personnes LGBTI évitent souvent ou tout le temps de se tenir la main en public. 

Dans toutes les sphères de la vie
Les 42 signalements récoltés par l’association RainbowHouse Brussels et analysés par l’Observatoire de Safe.brussels révèlent l’omniprésence des discriminations et violences liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Tout d’abord dans l’espace public et les transports publics, où les violences – surtout verbales – sont fréquentes. Dans la sphère familiale, il est bien établi que la crise sanitaire a accru les tensions et les difficultés. C’est aussi le cas pour des jeunes confinés à domicile avec une famille acceptant peu ou pas leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Les mineurs apparaissent en effet comme un public particulièrement vulnérable. Internet apparaît aussi comme un lieu où le harcèlement homo/lesbo/transphobe est présent – allant jusqu’à des menaces de mort. Enfin, la sphère professionnelle ressort également – comme Unia le note aussi – comme un lieu où les expériences de discrimination, harcèlement et violence verbale sont  présentes. Aucun lieu n’est épargné puisque les signalements récoltés concernent aussi : l’HORECA, l’accès au logement ou à des biens et services (taxi, magasins, médecin…). À noter aussi les violences émanant de représentants des institutions : policiers, contrôleurs de la STIB, agent d’une administration communale sont aussi mentionnés comme auteurs de violences ou discriminations LGBTQIA+phobes.

Le « quartier gay », au cœur d’un paradoxe…
Dans l’espace public en particulier, les violences vécues sont fréquemment liées à l’expression de genre des victimes (style vestimentaire, port de maquillage) ou à leur orientation sexuelle supposée, jugées « non conventionnelles ». Ainsi, si les personnes LGBTQIA+ tendent à se sentir plus en sécurité dans le « quartier gay », leur visibilité accrue à cet endroit y entraîne paradoxalement davantage de faits de violence qu’ailleurs. 

L’Observatoire relève aussi le fait que pour de nombreuses victimes, les discriminations vécues se situent au croisement de différents rapports de domination : dans de nombreuses situations rapportées, homo/lesbophobie, racisme, sexisme, grossophobie, etc. se cumulent. Les victimes sont donc discriminées non seulement en raison de leur orientation sexuelle ou identité/expression de genre, mais aussi en raison d’une couleur de peau, d’une origine, d’une profession, d’un état de santé etc. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité. 

Dans l’espace public en particulier, il importe de tenir compte de la complexité de ces situations pour éviter une approche monolithique selon laquelle le « quartier gay » serait forcément « safe » et ses alentours dangereux : en effet, les femmes et les homosexuels issus de minorités ethnoculturelles estiment le risque de violences sexistes et racistes élevé dans ce quartier.

Rétablir la confiance entre la police et les publics concernés
En effet, seuls 4 des 42 signalements reçus par la RainbowHouse avaient fait l’objet d’une plainte à la police. Les victimes parlent essentiellement de manque de confiance envers cette institution (en particulier pour les personnes précarisées ou issues de minorités ethno-culturelles). Elles pensent aussi que le dépôt de plainte ne sert à rien – ce que le taux élevé de classement sans suite ne contredit pas. Les victimes peuvent aussi ne pas signaler les faits par honte ou par crainte que leur famille ou leur entourage (p. ex. professionnel) n’apprenne leur orientation sexuelle (« outing »).  

Les autres recommandations visent : la poursuite et l’élargissement de ce projet-pilote co-financé par equal.brussels et Safe.brussels afin d’affiner l’image des violences LGBTQIA+phobes ; la prise en compte de celles-ci dans l’ensemble des politiques publiques avec une perspective intersectionnelle, incluant la sensibilisation des agents en contact avec le public ; la lutte contre la banalisation des faits. 

Rudi Vervoort, Ministre-Président : « Outre le plan global de la sécurité et les nombreuses actions déjà mises en place, nous entendons développer (dans les limites de nos compétences) certaines actions spécifiques en collaboration avec les associations de terrain, les administrations régionales et la police. Ainsi, l’une de nos actions vise à optimiser la récolte de données en matière de violence et de discrimination à l’égard de personnes LGBTQIA+. Ces chiffres devront nous permettre d’améliorer la prise en charge des victimes, mais également de plus facilement identifier les lieux publics où des problèmes d’insécurité se posent. De cette façon, nous pourrons assurer une mobilisation tant préventive que réactive de nos services, de sorte que la sécurité de tout un chacun soit garantie. »

Nawal Ben Hamou, Secrétaire d'Etat à l'Egalité des chances : « Une des problématiques importantes que rencontre le Plan bruxellois d’inclusion des personnes LGBTQIA+ est le monitoring des plaintes. Ce monitoring des plaintes est un préalable indispensable pour mieux lutter contre les agressions, les violences, les discriminations que subissent encore de trop nombreuses personnes LGBTQIA+. C’est en objectivant et en analysant le phénomène qu’on le combat avec plus d’efficacité. Hélas trop souvent, les victimes de ces violences renoncent à déposer plainte, alors qu’il s’agit d’une étape essentielle pour formaliser le préjudice subi, pour permettre aux victimes de se reconstruire, pour poursuivre les auteurs et les mettre face à leurs responsabilités. Et c’est sur base d’un monitoring précis de ces plaintes que nous pourrons mener des actions de prévention efficaces, mais aussi mieux former et coordonner l’intervention des services de Police. A côté des actions de prévention, de formation et de sensibilisation, il est donc tout aussi essentiel que nous poursuivions le travail pour améliorer l’accueil des victimes LGBTQIA+ dans les commissariats et encourager les victimes d’actes LGBTQIA+phobes à systématiquement signaler ces agressions inacceptables. »
 
Sophie Lavaux, Directrice générale de Safe.brussels : « Le chiffre noir, ce sont les faits criminels qui ont lieu mais ne sont pas connus de la police – donc pas présent dans les statistiques officielles et pas pris en compte pour l’élaboration de priorités politiques. Le travail mené par Safe.brussels éclaire la problématique des violences LGBTQIA+phobes pour lesquelles peu de chiffres étaient disponibles jusqu’ici. Safe.brussels consacre l’importance de la prise en compte de ce phénomène sous la thématique 1 « Intégrité physique et psychique des personnes » du Plan Global de Sécurité et de Prévention (PGSP) 2021-24 de la Région. »

Yves Bastaerts, Directeur général adjoint de Safe.brussels : « Une formation adéquate des policiers sur ces problématiques, un enregistrement systématique des motifs de haine au niveau policier et judiciaire et un suivi effectif de ces dossiers sont donc des priorités à l’heure actuelle. En matière de formation policière, un pôle de compétences en matière de « discriminations » est en cours de développement au sein de Brusafe. Ces actions vont dans le sens des recommandations posées dans l’étude et méritent d’être poursuivies et étendues, tant les enjeux restent importants pour que les personnes LGBTQIA+ puissent « vivre Bruxelles en toute sécurité ». 


Vous êtes victimes de propos, gestes, actes violents ou discriminants en lien avec votre orientation sexuelle et/ou votre identité de genre ? Votre vécu mérite d’être pris en compte. Aucun fait n’est anodin ! 

La RainbowHouse est là pour vous entendre de manière anonyme et pour vous conseiller sur d’éventuelles démarches supplémentaires. Sur RDV par SMS ou whatsapp : 0492/40.84.84. - http://rainbowhouse.be/fr/projet/signalement/
Unia et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) sont aussi disponibles pour fournir une assistance – y compris juridique – gratuitement. En cas d’urgence, c’est le 112 qu’il convient toujours d’appeler pour joindre la police ou les services d’aide médicale urgente.
 

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