Drogues et assuétudes
Consommation de crack dans l’espace public en Région de Bruxelles-Capitale : l’urgence d’une approche structurelle
12.03.2025Un nouveau rapport de recherche, résultant d’une collaboration entre l’Instituut voor Sociaal Drugsonderzoek (ISD) de l'Université de Gand et l’Observatoire de safe.brussels, dresse un état des lieux de la problématique croissante de la consommation de crack dans l’espace public en Région de Bruxelles-Capitale. L'étude met en évidence une augmentation significative de cette consommation et souligne la nécessité d'une approche politique intégrée comprenant non seulement une approche sécuritaire, mais aussi des interventions sociales et axées sur la santé.

Un phénomène en expansion aux racines socio-économiques profondes
L'étude empirique, basée sur une combinaison de méthodes qualitatives et quantitatives, révèle que la consommation de crack à Bruxelles ne peut être dissociée de problèmes sociaux plus larges tels que le sans-abrisme, la pauvreté et l’accès limité à l’aide sociale. Le rapport souligne que l'usage du crack concerne principalement un groupe de personnes extrêmement vulnérables, majoritairement des hommes, avec un âge moyen de 44 ans. Plus de la moitié d'entre eux ont récemment dormi dans la rue et une part significative présente un parcours migratoire.
Des professionnels interrogés dans le cadre de cette recherche, tels des travailleurs sociaux et des policiers, témoignent d’une augmentation de la consommation de crack ces dernières années, renforcée en partie par la pandémie de COVID-19. La visibilité de cette consommation dans l’espace public contribue au sentiment d’insécurité, tandis que les services d’aide existants restent insuffisants pour répondre aux besoins de ce groupe vulnérable.
« Je pense qu’ils sont en mode survie. Souvent, le crack est une bouée de sauvetage plutôt que le caillou qui vous fait couler. »
Consommation et approvisionnement
Le rapport révèle que la consommation de crack se déroule souvent en cycles intensifs, où les personnes consomment jusqu’à épuisement de leurs ressources financières ou physiques. Le crack est principalement inhalé et la polyconsommation est fréquente.
Le marché du crack évolue : bien que la fabrication artisanale à partir de poudre de cocaïne soit la méthode la plus courante, l’achat de crack déjà préparé sur le marché noir a augmenté ces dernières années. Cette étude met en évidence la grande disponibilité de la cocaïne en Région bruxelloise. De faibles doses de cocaïne sont vendues dans la rue pour de petites sommes (5EUR pour une dose de crack).
« On trouve un dealer à chaque coin de rue. C’est comme acheter du chewing-gum dans un magasin. »
Recommandations politiques : appel urgent à l’action
Les chercheurs plaident pour une approche holistique et formulent les recommandations suivantes :
- Investissements structurels dans le logement et l’aide sociale
Les chercheurs préconisent des solutions structurelles permettant aux personnes de sortir du cercle vicieux du sans-abrisme et de la consommation de substances. Cela implique l’élargissement de l’accès au logement, y compris par des projets d’habitat destinés aux personnes en situation de vulnérabilité (housing first), ainsi que des investissements dans des structures d’accueil.
- Renforcer les soins de santé et la réduction des risques
Le rapport plaide pour une augmentation de la disponibilité et de l’accessibilité des salles de consommation à Bruxelles. Il est essentiel de comprendre pourquoi certaines personnes ne fréquentent pas ces espaces et d’éliminer les barrières à leur utilisation. L’accès aux services d’aide aux usagers de drogues doit aussi être amélioré, avec une attention particulière pour les consommateurs de crack, y compris avec des programmes de réinsertion sociale. Afin de réduire les risques pour la santé, les chercheurs recommandent d’intensifier la distribution de matériel de consommation et d’améliorer l’information des usagers et des professionnels.
- Politique de sécurité : vers une coopération intégrée
La gestion de la problématique des drogues en Région de Bruxelles-Capitale nécessite une approche cohérente et intégrée. Pour ce faire, les acteurs impliqués dans la prévention, l’aide aux usagers, la réduction des risques et la répression doivent renforcer leurs collaborations afin d’éviter les contradictions dans leurs approches. La désignation d’un coordinateur drogues pour la Région de Bruxelles-Capitale pourrait favoriser la coopération intersectorielle.
L’élaboration des politiques doit inclure les personnes qui consomment des drogues, les prestataires de soins et de services, les décideurs politiques et les habitants des quartiers, afin de développer des solutions communes qui respectent les besoins de toutes les parties prenantes. Cela permettra d’augmenter l’adhésion à ces solutions.
Le problème de la consommation de drogues en public et des nuisances qui en découlent ne se résout généralement pas par des mesures visant uniquement à faire disparaître le phénomène de l’espace public (« nettoyer »). Une telle approche ne fait, au mieux, que déplacer le problème vers d’autres lieux. Les scènes de consommation ouvertes doivent être abordées dans une perspective de réintégration sociale. Cette approche nécessite davantage de temps et de ressources, mais sera payante à long terme.
- Amélioration du suivi et de la recherche scientifique
Enfin, les chercheurs soulignent la nécessité d’une collecte de données plus systématique sur la consommation de crack. Un meilleur suivi de l’évolution de l’usage de drogues dans les scènes ouvertes de consommation permettrait aux décideurs politiques de prendre des mesures proactives.
Il est aussi essentiel d’analyser davantage l’impact des évolutions internationales (par exemple, l’interdiction de l’opium en Afghanistan) sur les marchés locaux de la drogue à Bruxelles et ailleurs en Belgique, ainsi que les tendances dans d’autres métropoles européennes confrontées à des problèmes similaires.
Les populations migrantes à Bruxelles font souvent face à des défis uniques, tels que les barrières linguistiques et un accès limité aux soins. Des études ciblées sur leurs besoins pourraient permettre d’adapter plus efficacement les interventions en leur faveur.
Appel aux décideurs politiques
Les résultats de cette étude montrent clairement que la consommation de crack à Bruxelles n'est pas un problème uniquement lié à la drogue, mais le symptôme de problèmes de société plus larges. Les chercheurs appellent les décideurs politiques à prendre des mesures structurelles pour améliorer les conditions sociales de base des groupes vulnérables.
Le rapport complet est disponible sur notre site web.
Découvrez également notre approche globale dans la stratégie régionale de lutte contre le trafic de drogues ici.

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